MR 73 : Chevalier Noir0 (0)
MR 73 voit Olivier Marchal conclure sa trilogie policière en poussant les curseurs de son univers pour épouser la noirceur infinie de personnages fantomatiques condamnés à errer dans un passé tragique. A l’occasion de la sortie de Bronx sur Netflix, retour sur la filmographie d’Olivier Marchal.
MR 73 est un film très important pour son réalisateur. Olivier Marchal ayant refusé les projets imposants qui s’offraient à lui après le succès critique et public de 36 quai des Orfèvres, le cinéaste a voulu se concentrer sur un récit plus modeste qui lui était cependant personnellement plus cher. Parce que MR 73, en plus de la conclusion du tryptique initié par Gangsters, reprend tous les thèmes qu’a pu aborder le cinéaste pour les mener vers une synthèse, ici portée sur les épaules de Daniel Auteuil qui incarne en Louis Schneider toutes les cicatrices des personnages de flics désespérés qui ont pu passer devant la caméra d’Olivier Marchal. Parce que MR 73, c’est également un revolver désuet symbolisant tous ces flics dépassés que l’administration a rongé, le film fait ainsi du noir sa couleur, allant parfois jusqu’à flirter avec le genre horrifique.

Noirs desseins
Parce que ses deux premiers longs-métrages étaient inspirés de faits réels, MR 73 en poursuit la désarmante sincérité. Arme à la main, titubant dans un bus, Daniel Auteuil livre dès les premières secondes une prestation impressionnante. Son personnage, sorte de continuité tragique de son Léo Vrinks de 36 quai des Orfèvres , n’est ainsi plus qu’un fantôme, n’ayant derrière son allure empestant l’alcool et l’urine plus que son collier de flic comme raison de vivre. Dégradé, battu et rejeté, son paysage est sordide, tous comme les crimes sur lesquels il enquête d’une affaire qu’on lui retire et de la poisseuse chambre d’hôtel où sont exposées les clichés de cadavres dans laquelle il s’évertue à revivre un passé qui le ronge.
Olivier Marchal pousse ainsi tous les curseurs de son cinéma, en plongeant ici ce dernier dans une épaisse noirceur, épousant dans une démarche jusqu’au boutiste les tréfonds des âmes de deux personnages ayant cessé de vivre. En se rencontrant, ils retrouveront chacun un semblant de lumière et une raison d’avancer dans les dédales d’un récit d’un crépusculaire qui flirte parfois avec l’horreur. Parce que les gueules du cinéma d’Olivier Marchal campent ici des figures monstrueuses, où plus aucun sentiment ne jaillit que la jouissance de détruire, d’étouffer et de salir, mis en exergue par un terrifiant Philippe Nahon qui trouve ici, et une fois de plus un rôle qui épouse à merveille son impressionnant physique.

Beauté fatale
S’il serait parfois tenté de se dire que le film étire son atmosphère jusqu’à des traits grossiers, notamment dans son final qui rejoint la quête expéditive et cependant beaucoup plus nuancée de 36 quai des Orfèvres, c’est ici sur le ton de l’hommage et d’un pur morceau de cinéma enveloppé par les notes de Bruno Coulais. Parce qu’en plus d’être éclairé d’une superbe photo, MR 73 empile les morceaux de cinéma au détour de plan hyper-travaillés d’un Olivier Marchal qui demeure ici très inspiré. Repoussant les limites du polar desquelles il s’était déjà superbement extrait dans son précédent long-métrage, le réalisateur livre un objet travaillé, qui pousse son récit jusqu’aux portes de l’horreur au détour d’une scène où la tension magistrale ne fait pourtant que suggérer en quelques plans la présence lourde d’un monstre prêt à surgir.
MR73 paraît ainsi comme le sommet noir et la première conclusion de la jeune carrière d’un cinéaste qui porte ici haut toutes ses obsessions dans un objet aussi beau que torturé, livrant en un film la sincérité désarmante d’un cinéaste étant allé au bout de sa quête. Malgré son impolitesse et ses desseins beaucoup plus sombres, le troisième film d’Olivier Marchal incarne pourtant l’essence de son cinéma poussé à son paroxysme. Comme son personnage, le metteur en scène pousse ici son univers vers ses desseins les plus torturés, déployant toute sa sincérité et sa maîtrise pour une plongée aussi belle que désespérée.