Le Vilain : L’Enfant terrible5 (1)
Albert Dupontel resserre ses obsessions dans un duel plus modeste à la gloire de Catherine Frot, qui livre ici une brillante performance face à un acteur-réalisateur enragé.
Albert Dupontel s’est (un peu) assagi. Passé depuis son noir Le Créateur devant la caméra de nombre de réalisateurs, le cinéaste se mue ici un brillant directeur d’acteurs en partageant l’affiche avec Catherine Frot, lançant la tradition d’un duel laissant place à la performance brillante d’un grand acteur qui vaudra plus tard un César à Sandrine Kiberlain pour 9 mois ferme et une prestation toujours aussi exceptionnelle à Nahuel Pérez Biscayart dans Au revoir là-haut et à Virginie Efira dans Adieu les Cons. Comme si Albert Dupontel faisait se confronter son cinéma énervé de sale gosse à un autre monde, ce dernier se trouve ici incarné par les petites mais non moins impressionnantes épaules de Catherine Frot, ici grimée en grand-mère humaniste dans un long-métrage pétri d’amour qu’avait déjà annoncé son précédent Enfermés dehors.

Mère courage
Depuis son film coup de pelle Bernie, Albert Dupontel a fait du chemin. S’étant constitué une famille de cinéma et un univers à part, l’acteur s’est par ailleurs confronté à d’autres univers, de Jean Becker à Bertrand Blier, de Gaspar Noé à Cédric Klapisch, ouvrant ainsi son cinéma à des desseins plus radieux et volontiers plus attachants. Le Vilain, c’est donc Albert Dupontel, reprenant ainsi dans son rôle de sale gosse toute l’essence de ses personnages détraqués et haut en couleurs, ne se contentant cette fois-ci plus de nous narrer une quête noire et désespérée mais d’offrir à son personnage un véritable cheminement humaniste, les faisant ainsi changer leur vision du monde.
L’acteur-réalisateur et son cinéma rencontrent ici Catherine Frot, grand-mère attachante à qui la mort fait défaut, semblant se dire qu’une malédiction pèse sur elle. En revoyant ce dernier après vingt années et en s’apercevant quel sale gosse il a pu être, cette petite mamie tranquille décidera de faire confronter les sales coups de jeunesse à son bandit de fils pour lui offrir un rédemption et enfin rejoindre son mari disparu dans l’au-delà. C’était sans compter sur l’inventivité machiavélique de ce dernier, et sur celle de Dupontel, pour offrir un duel certes plus modeste mais toujours aussi haut en couleurs, faisant de cette quête de rédemption un film qui transpire le cinéma de son auteur.

Parce que si l’action se trouve ici resserrée dans un plus petit décor, tous les motifs du cinéma d’Albert Dupontel se trouvent présents : Des vils promoteurs immobiliers aux attachants retraités essayant tant bien que mal de sauver leur petit quartier, le combat entre petits et pourris est toujours le même, à cela de près qu’il se trouve ici plus modeste, reposant sur les épaules de ses deux formidables acteurs. Dupontel rejoue ainsi son cinéma face à une impressionnante Catherine Frot et à l’incontournable famille de cinéma de son auteur, des visages familiers de Nicolas Marié et Bouli Lanners. Le cartoon se fait ici plus modeste, et l’inventivité enfantine plus bricolée, plus humaine, vecteur principal d’un duel où l’amour maternel aura définitivement raison de la cruauté et de l’argent.
Le Vilain, s’il se trouve être le film le plus fragile de son auteur, s’en trouve cependant l’un des plus humains, lançant la tradition d’un duel entre deux acteurs où l’univers d’Albert Dupontel se frotte à l’incarnation d’un autre monde, ouvrant ainsi son cinéma à des lendemains plus radieux. Relecture plus modeste et plus humaniste de son auteur, Le Vilain en conserve cependant l’efficacité et l’inventivité, ici incarné par un bricolage plus enfantin mais toujours aussi drôle d’un réalisateur qui joue plus sur la corde sensible qu’auparavant. Même s’il demeure profondément l’incarnation la plus brillante d’un incontournable sale gosse.